Premières approches

Le thème du présent numéro est, d’une certaine manière, l’initiation à des pratiques artistiques nouvelles et inusitées. En effet, pour ce quatrième numéro des cahiers virtuels, nous vous proposons de lire des articles écrits par des auteurs qui en étaient à leurs premières expériences avec les pratiques artistiques hypermédiatiques. Que ce soit dans le cadre d’un cours universitaire où à l’occasion d’une communication dans un colloque, les auteurs ont dû se prêter à l’exercice de décrire une expérience de «lecture» qui était tout à fait inhabituelle pour eux, puisque cette lecture s’effectuait à l’écran, en co-présence d’autres éléments formels (son, images, vidéo), qu’il faillait «lire» au même titre que le texte afin de pouvoir interpréter l’oeuvre. Les résultats de ces premières tentatives sont pour le moins fascinantes. 

Dans son compte-rendu de l’oeuvre Étang, d'Alexandra Saemmer, Julien Denault étudie les motifs textuels et visuels qui caractérisent ce poème numérique, et une exploration des autres oeuvres de cette artiste sur le portail Mandel.brot lui permet de mettre à jour un effet de style déployé à la grandeur de la production de Saemmer, dans une approche qui n’est pas sans rappeler celle décrite par Michael Riffaterre dans son Essai de stylistique structurale. Gabriel Beauséjour fait plutôt appel à des théoriciens de la réception pour décrire ses expériences de lectures déconcertantes des oeuvres Being Human/Étant Humain de Annie Abrahams et Principes de Gravité de Sébastien Cliche. C’est plutôt en décrivant les modalités d’interactivité déployées dans l’oeuvre Accidental Motion / Cinematic Sound de Olivier Feuillet que Benoit Bordeleau parvient à décrire le statut éphémère et unique de l’expérience de lecture de cette oeuvre. Pour sa part, Jean-François Legault s’interroge sur la propriété textuelle de signes qui sont déplacés dans un autre régime sémiotique par un important travail d’iconotextualité dans le court-métrage Typolution de Olivier Beaudoin. Finalement, Myriam Suchet aborde un cas singulier, soit l’adaptation hypermédiatique par Adriene Jenik du roman Le Désert Mauve de Nicole Brossard, une oeuvre littéraire où les problématiques de l’adaptation et de la traduction sont abordées de front, réflexion qui est renforcée par l’effet de télescopage issu d’une adaptation transmédiatique à laquelle l’auteure de l’oeuvre originale a collaboré. 
 
Chacun à leur manière, ces textes permettent de démontrer la portée et les limites des théories littéraires pour l’analyse d’oeuvres hypermédiatiques. Ces oeuvres, dont la composition formelle dépasse le simple texte pour amalgamer des médias variés, ont obligé les auteurs à se repositionner face à leurs expériences et leurs habitudes de réception, en maintenant toutefois la lecture au centre de leur approche perceptive et critique. Les articles du présent numéro illustrent éloquemment les changements dans le paradigme de la réception qui sont entraînés par la lecture d’oeuvres hypermédiatiques.