Wind Array Cascade Machine
Wind Array Cascade Machine (WACM) est une installation composée de 64 tiges métalliques mobiles équipées de capteurs de mouvement. Ces capteurs, de deux mètres de haut chacun, enregistrent la vitesse du vent en déterminant l’inclinaison des tiges bercées. En mesurant l’amplitude des oscillations, l’œuvre cartographie un espace vibratoire qui est ensuite traduit ou converti en données informatiques. Les tiges sont disposées en quadrillé, à égale distance l’une de l’autre, pour couvrir le territoire choisi et pour évoquer les champs de blé des plaines de la Saskatchewan qui ont inspiré l’artiste.
Les données cumulées par ce premier phénomène naturel sont abstraites et enregistrées ou diffusées sur Internet en temps réel. Elles sont ensuite reterritorialisées, selon le type d’installation réalisée par l’artiste, dans un second espace architectural au sein de la galerie ou sur Internet.
En effet, Wind Array Cascade Machine est d’abord une machine qui capte les mouvements du vent. WACM est ensuite combinée à différents types d’installations de manière à reconstituer des paysages sonores et visuels d’espaces extérieurs dans des lieux isolés des éléments (la salle d’exposition, par exemple). Ces reconstitutions, que McKenzie Wark désigne de «géographies virtuelles», prennent diverses formes. (Wark cité par Schütze, 2009: 11)
Dans l’installation POD (2003), présentée pour la première fois lors du Mois Multi à Québec, les données captées sur le toit du complexe Méduse sont retransmises par le réseau dans un ensemble de 64 tiges ou «gousses» (traduction de pod) de diodes électroluminescentes (DEL). Les lumières fluctuent ainsi du vert foncé au rouge, dans une variation de 15 tons.
Turbulence Sound Matrix: Signe a quant à elle été exposée en 2008 au Festival Elektra Montréal. Pour cette installation massive, les données recueillies par les capteurs de WACM sont converties en son dans un système composé de 64 canaux. Il ajoute à ces données vibratoires des enregistrements d'une machine à écrire Royal Quiet Deluxe 1946 et d'un grand piano. Tous les sons sont modulés par les fluctuations du vent et se chevauchent pour donner lieu à des compositions uniques et mouvantes. Le son converge au centre des 8 tours de hautparleurs verticales, légèrement concaves et disposées en cercle.
Heimbecker qualifie à maintes reprises ces géographies virtuelles de wind space architecture. Le vent, élément intangible, est cartographié et converti en son et en lumière, matières tout aussi immatérielles, mais qui délimitent des espaces précis dans les installations; une structure flottante et lumineuse et un anneau de monolithes au coeur duquel l'expérience immersive du spectateur et de la spectatrice est optimale. L'artiste donne corps, littéralement, à ces phénomènes évanescents; le vent se matérialise en compositions architecturales alors que les visiteurs et les visiteuses sont invités à déambuler et à prendre acte de ces espaces dynamiques. Les oeuvres qui découlent de WACM mettent en dialogue le tangible et l'intangible, la rigidité et la fluidité, etc. Le concept même d'une wind space architecture atteste de ce rapprochement des «contraires» rendu possible, serions-nous portée à croire, par les dispositifs techniques utilisés par l'artiste. C'est l'abstraction du vent en données informatiques qui permet sa concrétisation et ce sont les installations qui offrent aux spectateurs et aux spectatrices la possibilité de conceptualiser (visualiser, entendre) le caractère instable et changeant du vent.