
Net Art Anthology
Net Art Anthology, comme son nom l'indique, est une anthologie1L'origine du mot anthologie, provient du grecque anthos, fleur, et de logia, collection. En grecque, anthologia désigne une collection de «fleurs» de vers, soit une sélection de poèmes par plusieurs auteurs. Le terme désigne désormais une collection d'oeuvre d'art, de poèmes, d'histoires, d'illustrations, etc. ayant une forme ou un sujet similaire, et qui sont considérés comme historiquement significatif, voir canonique. de l'art web commissariée par Rhizome qui s'échelonne sur une période de deux ans (2016-2018). Cette exposition en ligne est divisée en cinq différents chapitres, dont quatre sont chronologiques et un récapitulatif. Le premier chapitre (1984-1998) se penche sur la culture web des débuts. Le deuxième chapitre (1999-2005) investit l'émergence du flash et des blogues. Le troisième chapitre (2006-2011) dresse un portrait des surfs clubs, des précurseurs de l'art postinternet et des médias sociaux. Le quatrième chapitre (2011-2016) répertorie des oeuvres qui usent des applications mobiles et de l'épuisement et la saturation liés aux médias sociaux. Finalement, le cinquième chapitre permettera une reprise de l'ensemble des périodes historiques sous forme de remix et d'un regard critique sur les lacunes du projet. Tous les chapitres sont accessibles via la page d'accueil par défilement vertical.
La sélection des oeuvres se fait sous quatre principaux critères, soit la capacité de l'oeuvre à exprimer des subjectivités émergentes, à créer de nouvelles formes de pratiques culturelles, à exemplifier une posture conceptuelle, esthétique, subjective et politique qui a su influencer certaines communautés d'artistes et à être remise en scène, reconstruite et reperformée pour cette exposition2Ces critères apparaissent dans leur langue originale (anglaise) sur le site web de la Net Art Anthology.. Les oeuvres sélectionnées sont autant autoréflexives qu'interdisciplinaires et de formats diversifiés: installation, objet, vidéo, performance, site web, application, etc. Elles sont toutes rassemblées sous la catégorie du net art, catégorie qui selon Rhizome définit une pratique qui agit sur le réseau internet, ou qui est mise en oeuvre par lui3Dans la section «Definition» de leur site, Rhizome défini le net art comme «art that acts on the network, or is acted on by it». Le choix de ce terme est basé sur la prépondérance de son utilisation dans les communautés artistiques ainsi que sur la certaine informalité terminologique qui reflète les capacités critiques du web et ses pratiques non-instutitionnalisées.. En effet, certaines oeuvres, sans avoir de support web, portent sur le web, et font ainsi parti intégrale de son histoire, comme le démontre Refresh (2007). Cette performance consista au dépôt, par Kristen Sue Lucas, d'une demande légale de changement de nom pour «Kristen Sue Lucas». L'artiste plaida devant un juge de la Californie la nécessité de changer son nom comme l'on actualise (refresh) une page web. Cette oeuvre prend désormais la forme du procès-verbal des procédures de la sécance en court, et des documents liés à sa cause, donnant lieu, depuis 2007, à de nombreuses lectures du procès-verbal. Chaque entrée est composée d'un résumé de l'oeuvre en entête, de plusieurs encadrés sur fond blanc comportant descriptions, citations, captures d'écrans, images, gifs, hyperliens renvoyant à des articles connexes et au site de l'oeuvre ou à l'émulateur de l'oeuvre.
Les émulateurs disponibles par la Net Art Anthology simulent des versions désuètes de navigateurs internet. À titre d'exemple, Bodies© INCorporated (1996) de Victoria Vesna permet à l'internaute de naviguer sur Netscape 4. Ce site, qui s'inscrit dans l'émergence des avatars webs comme pratique culturelle des années 1990, permet à l'internaute de créer son propre avatar selon des paramètres d'âge, de grandeur et de genre, en mettant l'accent sur la valeur commerciale liée à la personnalisation des corps numériques. De plus, certains émulateurs restituent d'anciens bureaux d'ordinateurs Microsoft ou Macintosh afin d'y intégrer les versions originales des logiciels propres aux oeuvres. Ainsi, Heritage Gold (1997) est une oeuvre du collectif anglais Mongrel, développant une version piratée du logiciel Adobe Photoshop qui reconfigure parodiquement les outils de montage selon des paramètres relatifs aux catégories raciales ou sociales en permettant la transformation d'une photographie d'un homme ou d'une femme «black», «brown», «yellow» ou «white». Les émulateurs sont soit intégrés à même le site de l'exposition, ou disponible à travers les serveurs développés par Rhizome. Ainsi, oldweb.today permet de naviguer sur des sites webs datés à l'aide du navigateur choisi (NSCA Mosaic, Netspace Navigator, Internet Explorer, Apple Safari, Mozilla Firefox, Google Chrome) et Webrecorder, archive les sites web en permettant de les naviguer même lorsqu'ils sont hors ligne.
Cette antologie offre une histoire exhaustive de l'art web, ou plutôt un «modèle» d'historicisation consciencieux de la diversité, techniques et identitaires, des pratiques artistiques issues du web. Certes, cette anthologie se veut internationale, mais se révèle foncièrement américaine. Esquisser un possible canon de l'art hypermédiatique questionne aussitôt les problématiques liées à l'archivage du web, dont l'obsolescence programmée des logiciels, des programmes et du traitement numérique des ressources, et nécessite d'importantes ressources techniques. L'art web, à l'image du médium qui le compose, a connu d'importantes mutations lors de sa courte historire, et la variété des pratiques qu'il accueille reflète les transformations liées au statut de l'artiste, à la démocratisation des publics et à la reconnaissance de nouveaux médiums artistiques dans le champ des arts.