name dropping
L’œuvre name dropping de Maxime Galand offre à l’internaute la possibilité de mixer à la manière d’un DJ les noms de 27 auteurs et auteures littéraires, de Baudelaire à Miller, sur une interface noire minimaliste. Ces noms se résument parfois au seul patronyme (Miller, Marx) et se révèlent toujours en blanc, à un emplacement fixe, en diverses tailles, seuls (Umberto Eco) ou appariés (Diderot / Marivaux) et en mode clignotant.
Au premier abord, l’œuvre se présente comme un écran uniformément noir. Seuls une foire aux questions lapidaire et un curseur en forme de main invitent l'utilisateur à une expérience de navigation déconcertante: il s'agit de cliquer «à l'aveuglette» sur n'importe quel point de l’interface. Chaque interaction – le clic ou le clic glissé – active ou désactive les éléments d'une base de données textuelles et sonores contenant le nom – à lire ou à entendre – d’écrivains canoniques de diverses époques, nationalités et genres. L’internaute participe à une création musicale au moyen du clic, en agençant les sonorités et les rythmes fournis par le dispositif. Ces créations sont éphémères et ne s’actualisent que dans la présence de l’expérience.
Galand fait ainsi sortir les noms de leurs lieux d’énonciation. Le texte, habituellement objet fixe de la lecture, devient ici le jouet de la voix. Il peut être avancé que l’œuvre déterritorialise la langue par ce jeu sur l’onomastique et la prononciation, puisqu’elle convoque différents sens et ouvre sur des assemblages inédits. Le regard, l’ouïe et bien sûr la tactilité éprouvés par le geste du clic de la souris proposent une expérience qui forme «une plasticité hétérogène sollicitant de multiples sensorialités complémentaires», comme le mentionne Joanne Lalonde dans L’abécédaire du Web.
L’affichage outrancier des noms évoque également les enseignes publicitaires lumineuses. En effet, l'œuvre présente, dans ses modalités parodiques, d'étonnantes similitudes avec les stratégies et les techniques publicitaires: le nom répété pour susciter le désir de la marque à force de matraquages et l'envahissement visuel et sonore des espaces privés et publics par ces mêmes marques pour s'assurer l'achat. « Iconolâtrie » des auteurs, l'œuvre risque d’être éclipsée au profit de marques littéraires chantées sur tous les tons et révèle une possible invasion mercantile des champs de la création (Lalonde, « Sensorialités »). La présence inattendue dans l’œuvre du nom de Frédéric Beigbeder– pourfendeur des dérapages du marketing dans son roman 99 francs, et lui-même dandy sur-médiatisé – n'est-elle pas un indice de cette possible lecture?
Pour conclure, l’œuvre name dropping de Maxime Galand a pour objectif de ridiculiser de façon ludique l’emploi parfois excessif des noms d’auteurs dans les communications académiques (pratique appelée «name dropping»). Sommes-nous indemnes, s’enquiert l’artiste, de cette manie générale d'en appeler prétentieusement aux autorités littéraires pour valoriser des propos mal assurés?
Cette œuvre est incluse dans le sixième numéro de bleuOrange, revue de littérature hypermédiatique.
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NT2