Institute for Southern Contemporary Art (ISCA)
Institute for Southern Contemporary Art (ISCA) est un projet fondé en 2016 par le duo d’artistes João Enxuto et Erica Love ayant pour objectif la maximisation des profits de l’art contemporain du sud des États-Unis. Par la création d’un algorithme, ISCA analyse le marché de l’art afin de générer un plan de production détaillé pour l’art du sud afin qu’il intègre avec succès les fluctuations du marché, car l’art, selon Enxuto et Love, est produit en tant que commodité et ne le devient pas seulement lorsque vendu1Selon les propos de ses fondateurs sur le site de l'oeuvre, «the ISCA algorithm analyzes and models art markets to generate a detailed production plan for Southern art that can successfully enter the market flow. ISCA proceeds with the understanding that art is produced as a commodity, it doesn’t become one when it it sold.». Bien que prospectif, le projet ISCA propose un modèle économique et créatif pour l'art contemporain aux possibilités concrètes. De ce fait, de nombreux services permettant l'analyse algorithmique de données liées au marché de l'art, dont ArtRank et Art Advisor, acquis en 2017 par Artsy, sont développés pour la vente d'art. Le duo d'artistes propose de renverser cette position de pouvoir, en usant des données quantitatives dès le moment de production de l'oeuvre.
La vidéo associée au projet, qui se situe entre le matériel promotionnel et le manifeste d'art, amalgame des plans aériens semblant avoir été capturés à l'aide d'un drone et d'une voix narrative neutre qui décrit les objectifs de l'Institut. Enxuto et Love prédisent d'entrée de jeu la délocalisation de Miami en tant que centre de l'art contemporain du sud des États-Unis, dû à la montée du niveau des mers, vers Atlanta, ville où le financement corporatif a déjà fait son entrée dans le système d'éducation comme le démontre l'université Savannah College of Art and Design, structurée sous le modèle de l'entreprise et collaborant avec de grandes entreprises privées (Coca-Cola, Google, Fox Sports, Disney Corporation et autres) comme le démontre le programme du Collaborative Learning Center. Cette constatation est le point de départ d'une réflexion sur une possible structuration de l'art basée sur sa potentialité financière. Complétant le parti pris technologique développé par les narrateurs, des plans du paysage urbain de Miami et d'Atlanta, de serveurs informatiques et des infrastructures d'ISCA se succèdent dans la vidéo. Peu sinon aucune figure humaine n'habite ces lieux; les studios d'artistes de l'Institut sont vides.
L'ISCA s’inscrit sous l'égide de la Contemporary.Institute. Selon ses fondateurs, Enxuto et Love, les objectifs de celle-ci consistent à souligner les efforts individuels et collectifs permettant une meilleure équité politique et une plus grande autonomie matérielle de la création, en plus de valoriser de nouvelles stratégies artistiques afin d’entrer en dialogue avec les structures économiques, légales et techno-institutionnelles qui forment le champ des arts2Sur le site de la Contemporary.Institute, on peut y lire: «Our goal with Contemporary.Institute is, firstly, to highlight individual and collective efforts to formulate paths to greater political equity and increased creative autonomy in material terms – not simply through symbolic gestures. Secondly, we want to make the case for practices that are willing to risk abandoning conventional artistic strategies to creatively experiment with the economic, legal, and techno-institutional structures that frame the art field and beyond.». Plusieurs projets écrits sont regroupés sous cette initiative, dont l'entrevue See Some Art While You Can—Google Will Eventually Replace Museums (2013) qui aborde leur projet Anonymous Painting. Ce dernier part de la constatation que les oeuvres d'art présentent dans les visites muséales virtuelles du Google Art Project qui ne sont pas la propriété des institutions, mais seulement en location, sont brouillées. Enxuto et Love ont pris des captures d'écran de ses oeuvres, les ont imprimées et exposées dans un espace de galerie réel. À l'image des projets théoriques de la Contemporary.Institute, l'ISCA propose certes la création d'une institution pronant une filiation intensive entre création et technologie qui part d'une analyse de l'état de cette situation, mais aussi l'élaboration du ISCA Module, au format idéal pour le transport par conteneur, et permettant aux artistes d'exposer leur art de manière mobile et spontanée.
Selon Enxuto et Love, même si l'algorithme d'ISCA dirige la création artistique en favorisant la meilleure rentabilité possible, la technologie doit demeurer au service des artistes, et non l'inverse, afin de ne pas déshumaniser leur travail artistique: «(…) like any other creative expression, algorithmic art requires interpretation – a human touch. Authorship and individuality are key factors for quantifying artistic value.» (Enxuto et Love, 2016, p. 174) Bien que l'Institute for Southern Contemporary Art semble au premier abord une initiative démesurée et irréalisable, elle agit aussi en tant qu'outil d'émancipation pour les artistes, afin que ceux-ci infiltrent la posture de l'entrepreneur et se réapproprient les outils technologiques déjà valorisés par le marché de l'art.
Informations
La vidéo associée au projet Institute for Southern Contemporary Art (ISCA) fait partie de l'exposition en ligne Uchronia | What if? commissariée par le Laboratoire NT2 et est présentée dans l'HyperPavillon (commissariat de Philippe Riss-Schmidt, produit par Fabulous Inc.) durant la 57e édition de la Biennale de Venise.