7 Things I Mistake for My Cat
7 Things I Mistake for My Cat est un «roman visuel» d’Anna Anthropy en forme de jeu. D’après l’artiste, le jeu s’inspire d'événements réels, vraisemblablement des moments où l’artiste a confondu un objet dans son appartement pour son chat.
Au lancement du jeu, l’internaute se trouve face à un écran rose avec le titre affiché sur fond noir. Une flèche blanche sur ce fond indique à l’internaute de naviguer vers le bas. Tout le jeu se réalise à travers des mouvements initiés par les flèches du clavier. L’internaute est privilégié d’un avatar de couleur bleu marine et légèrement anthropomorphe, avec lequel il ou elle peut se déplacer dans les pièces, passer les portes—tout en dévoilant des nouvelles pièces—et fouler des objets. Ces objets sont aussi en bleu marine, mais ne s’animent pas. En foulant un de ceux-ci, un écriteau noir se révèle notant quel objet a été confondu pour le chat. Les objets (numérotés) qu’on y retrouve sont (1) une pile de vêtements, (2) un sachet plein de bougies, (3) une grande chauve-souris qui habite la douche, (4) une serviette gluante, (5) un petit chaudron noir, (6) une statuette d'obsidienne et (7) un «espace vide» en forme de chat. Dans la dernière pièce se trouve un huitième objet en vraie forme de chat. En interagissant avec lui, l’appartement disparaît pour être remplacé par un nouvel écriteau: «Adramalech! Te voilà!» Un dernier mouvement de l’avatar met en place une nouvelle bulle de texte révélant un miaulement tremblant.
L’œuvre se prête à une esthétique des jeux d’arcades classiques. Le plan est simple et pixellisé avec peu de couleurs et un avatar qui saute sur place. Les commandes pour le jeu ne demandent pas de manette, mais une simple navigation de haut ou bas, gauche ou droite. L’internaute n’est pas obligé de découvrir l’appartement ni les objets dans un ordre précis; il ou elle peut se déplacer dans un sens de son choix. Malgré cette liberté, l’internaute ne peut pas sortir de l’appartement, même si une porte d’entrée est visible; il ou elle reste coincé.e dans sa quête pour le chat mystérieux. D’autre part, l’internaute ne peut pas interagir avec les autres objets de l’appartement sauf ceux confondus pour le chat qui sont représentés toujours en bleu foncé alors que le reste de la scène est en bleu clair. Une fois qu’un objet est «découvert», il disparaît. Cette variation de la dynamicité des objets sert à diriger les actions de l’internaute, qui ne dispose pas d’une navigation si libre qu’on le pensait.
Pendant sa découverte de l’appartement et de ses objets, l’internaute dévoile non pas seulement l’appartement en soi, mais aussi des indices sur son habitant. L’avant-dernière pièce, le salon, contient un pentagramme dessiné par terre. L’internaute ne peut pas interagir avec ce dernier, il fait partie intégrante du décor. Nous pouvons considérer qu’avec un pentagramme, un chaudron noir et un chat, l’habitant.e de cet appartement s’intéresse à la sorcellerie. Quand le chat est retrouvé, le narrateur l’appelle «Adramalech», ce dernier étant une figure païenne qui, dans les versions judéo-chrétiennes, est considéré comme un démon d’importance notable vu son rôle en tant que chancelier du Diable. Le fait de nommer un chat «Adramalech» souligne l’intérêt de son maître dans les sciences occultes.
En effet, des références à la sorcellerie se retrouvent souvent dans l’œuvre d’Anthropy: l’URL de son site web professionnel est w.itch.io—un jeu de mots sur itch.io, un site web pour des jeux vidéos—, son nom d’utilisateur Twitter est @adult_witch et elle a réalisé plusieurs jeux sur ce thème, y compris Witches & Wardrobes ainsi que le jeu de rôle Be Witching. Anthropy explique dans une interview que la sorcellerie n’est pas un simple intérêt; pour elle, et dans son œuvre, la figure de la sorcière représente souvent les femmes transgenres. «La métaphore sert d’une protection. Je ne dis jamais "femme transgenre" dans Witches & Wardrobes, par exemple. Je dis "sorcière". Je dis "arracher des poils de verrues" au lieu de "me raser le visage tous les matins"» (Acharya).
Alors que 7 Things I Mistake for My Cat est un jeu, Anthropy le catégorise comme un «roman visuel». Ceci met l’emphase sur l’aspect récit du jeu, un récit que l’internaute peut explorer à travers le chemin de son propre choix, puisque même si les objets sont numérotés, ceci n’oblige pas l’internaute à les sélectionner dans cet ordre. Seule la découverte du vrai chat à tout moment termine le jeu. D’une autre part, cet aspect reflète des commentaires faits par Anthropy dans une interview en 2012 au sujet de son jeu célèbre Dys4ia, où elle explique qu’elle trouve fatigant la distinction de ce qu’est un jeu (Kuchera). Pour elle, les critiques s’y attaquent en raison de la «facilité» de ses jeux; en effet, tout comme dans 7 Things, l’internaute peut progresser dans le récit du jeu même s’il ou elle n’a pas «maîtrisé» chaque étape—ou, dans le cas de 7 Things, même si l’internaute n’a pas «trouvé» tous les objets dans l’appartement. Pourtant, tout comme l’explique Anthropy, il s’agit de l’interaction avec des règles et des limitations qui le rend un jeu, des limitations qui se réalisent dans 7 Things en empêchant l’exploration ou l’interaction libre de l’appartement ou avec les objets. 7 Things I Mistake for My Cat représente ainsi un ouvrage simple et ludique dans un plus grand réseau d’œuvres qui ne se limitent pas à employer les modes d’expression et la pratique de création de son artiste.