Arrivée au laboratoire du deuxième tome des Chroniques d'une mère indigne

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Le plus récent roman de Caroline Allard, Les Chroniques d’une mère indigne tome II, récemment publié chez Hamac-carnets, vient d’arriver au NT2. Il donne suite à la première parution en 2007 du premier tome Les Chroniques d’une mère indigne, aussi disponible au Laboratoire. Présenté sous forme épistolaire, le roman provient du blogue de l’auteure, www.mereindigne.com.

 

Les publications diffèrent du blogue, des sections inédites ont été ajoutées, ainsi que des montages photographiques. Dans le deuxième tome, nous retrouvons également des illustrations d’Annie Boulanger et des citations du mémoire en littérature française d’Éric Vignola, qui porte sur les blogues littéraires. Alors que le premier tome présentait les billets généralement suivis des commentaires provenant d’internautes, le deuxième tome accorde la parole à Père indigne et à Éric Vignola seulement.

Mère indigne continue à raconter ses aventures quotidiennes. Comme nous pouvons le lire sur la quatrième de couverture, elle assume sa réalité et l’indignité dont elle fait preuve :

Une fois qu’on est dans l’indignité, on ne peut plus s’en sortir. On y sombre. Et le fond semble étrangement lointain. On regarde les livres sur nos tablettes : La première année de bébé, Comment nourrir sainement votre progéniture ou Aider notre enfant à bâtir son estime de soi. On les regarde, ces bouquins, et on ricane. La première année de bébé nous semble noyée dans le brouillard du manque de sommeil. Côté nourriture, aucune inquiétude, puisque c’est avec notre équilibre mental que notre progéniture casse la croûte. Quand(t) à l’estime de soi, c’est plutôt celle des parents qu’il faut rebâtir, roman policier par roman policier, gin tonic par gin tonic.

Le ton d’Allard est toujours humoristique. D’ailleurs, elle ne se présente pas sous son meilleur jour :

Mère indigne
Caractéristique principale :
Aucune retenue. Et alors là, j’insiste : aucune.
(…)
Ce qu’elle préfère en tant que Mère indigne : Père indigne et leurs deux magnifiques petites princesses d’amour.
Non sérieusement, qu’est-ce qu’elle préfère en tant que Mère indigne ? Bon, puisque vous insistez : faire des expérimentations psychologiques sur ses propres enfants sans avoir rempli les formulaires. Ça et le gin tonic. (p. 17)

Aussi, l’humour noir et le sexe prennent plus de place qu’auparavant car, elle le mentionne à quelques reprises, elle doit répondre aux demandes de l’éditeur. On en vient même à s'interroger si l’auteure ne traverse pas tout simplement conjointement la phase anale de Bébé, alors qu’elle rappelle à maintes occasions, tel le leitmotiv du roman, la fixation de sa plus jeune sur la découverte du pénis :

Bébé est obnubilée par les parties intéressantes de son compagnon de bain : « Mathis, il a un zizi-pénis».
(…)
Bébé, s’approchant de plus en plus de l’empire du milieu de Mathis – Mathis, il a un zizi-pénis! Mathis, il a un zizi-pénis! MATHIS, IL A UN ZIZI-PÉNIS!
Puis, Bébé se tourne vers Mère indigne, lui lance un regard d’une tristesse abyssale et ajoute : « Mais on peut pas le manzer. » (p. 65)

Parfois, c’est à se demander si les enfants vont aussi loin, ou si c’est la mère qui prend un peu trop de place dans la bouche de sa progéniture. Pour les besoins éditoriaux, il va sans dire…

Ce qui est fascinant avec cette œuvre, c’est la multiplicité des supports médiatiques qu'elle a adoptée tour à tour. À l’origine, ce texte était un blogue, publié pendant les sept mois de congé de maternité de l’auteure. Ce blogue a donné suite à deux publications papier. Après quoi, ces livres sont devenus l’objet d’une série Web (une série vidéo diffusée seulement en ligne), et présentée sur le site de Radio-Canada, http://www.radio-canada.ca/emissions/mere_indigne/serie1. Il reste maintenant à voir si cette réalisation vidéo passera éventuellement en format DVD. Quel parcours intéressant pour un blogue, à l’inverse de ce à quoi l’internaute d’aujourd’hui est habitué. Serait-ce un nouveau cheminement artistique, où la voix de monsieur et madame tout le monde peut espérer, en écrivant en ligne et en soumettant le destin de ses pensées à la popularité de ses lecteurs, parvenir à aboutir un jour sur les tablettes d'une librairie ?