Black Room

Black Room (2017) est un jeu vidéo développé par l'artiste américaine Cassie McQuater. À partir de son navigateur web, l'utilisateur.trice voyage de pièce en pièce, jouant le rôle d'un.e insomniaque au bord du sommeil, naviguant à travers divers états de conscience et différentes expériences hallucinatoires. Cette quête prend place dans des espaces accueillant des créatures elfiques, des objets animés en boucle et des héroïnes provenant tant des jeux d'arcade que de Nintendo et de Super Nintendo. Ces réminescences pixellisées de l'enfance et des rêves de l'artiste prennent formes dans une multitude de tableaux point-n-click générés par différentes métamorphoses de la Black Room. Le titre de l'oeuvre fait référence à une technique de méditation de la mère de l'artiste permettant de vaincre l'insomnie. Black Room incarne ainsi ce lieu de visualition et de construction mentale par laquelle le.la joueur.euse repasse continuellement afin de procéder aux choix de navigation qui traceront son parcours labyrinthique. 

Au départ l'utilisateur.trice incarne un personnage féminin qui se déplace dans des tableaux de style arcade à l'aide des flèches gauche et droite du clavier. Puis, l'avatar disparaît, et le jeu se navigue à la première personne. Dans ces chambres noires, il suffit de cliquer sur les objets qui y apparaissent afin d'activer les fonctionnalités du jeu. Certains clics renvoient à une fenêtre de navigateur qui procède à des recherches d'images Google - «a black folding chair», «paradise», «a field of irises at sunset» - d'autres dirigent vers des vidéos Vimeo qui émergent en pop-ups. Dans ces vidéos, tournées dans un style amateur, on peut y voir le sac et resac des vagues, des paysages défilant vus d'une voiture, un palmier sous la pluie. Afin de quitter ces pièces, l'utilisateur.trice doit trouver l'objet, entouré d'un halo rose, qui y est caché en redimensionnant la fenêtre de son navigateur. Certains icônes permettent de révéler les caractères cachés qui se trouve dans la Black Room: phrases oniriques et témoignages d'enfance, caractères disposés en dessins, motifs et ornements kitschs. Certains clics renvoient l'utilisateur.trice à une fenêtre de navigation qui se compose d'une collection de vidéos Youtube offrant des effets spéciaux sur green screen. La succession des pièces est entrecoupée de textes apparaissant en dactylographie dans un encadré noir sur fond bleu, narrant la relation personnelle et anecdotique qu'entretient Cassie McQuater avec les Black Rooms. Progressivement, les pièces acquièrent une apparence plus complexe, et amènent à de nouvelles expériences: textes défilants sur fond pixélisé en mouvement, pièces composées d'images animées sur lesquelles il est possible de cliquer afin d'en changer l'état, parcours hasardeux à travers des forêts et paysages oniriques en suivant les points cardinaux. 

L'intégration d'un bon nombre de personnages féminins issus de jeux vidéos vintage, dont Chun-Li et Jessica Haggar de Street Fighter, Catwoman, Jennifer Simpson de Clock Tower et Yuri Sakazaki des jeux SNK, se fait à l'intérieur de nouveaux environnements baroques, ce qui permet de créer une narrativité nouvelle, délocalisant ces personnages de l'environnement du jeu vidéo où elles étaient utilisées comme objets sexuels. Black Room se décline sous forme d'espaces féministes construits par fantasmagorie à l'aide des ruines des jeux vidéos qu'elles déconstruisent. Ces espaces de méditation et de relaxation s'offrent à nous comme espaces de résistance et de mémoire au seuil de l'éveil et du sommeil.

How to cite
Marsolais-Ricard, Charles. 16 janvier 2019. “Black Room, by McQuater, Cassie”. Entry in the Laboratoire NT2's Hypermedia Art and Literature Directory. Available online: Laboratoire NT2. <https://nt2.uqam.ca/en/repertoire/black-room>. Accessed on March 19, 2024.